: le dialogue amoureux

 
 
Le sifflet est un symbole de la vie. Il est le "conduit du souffle et de l'âme" pour reprendre l'expression de Schaeffner à propos de la flûte..
Sa symbolique en fait un instrument privilégié pour certains rites de séduction. Sans doute y-a-t-il aussi une reproduction de la parade amoureuse des oiseaux dans certaines de ces utilisations du sifflet. Les témoignages de telles traditions se retrouvent dans de nombreux pays européens.

 
  En Italie, à la fête de la San Marco le 25 avril, les jeunes gens déclaraient leur amour et garantissaient leur virilité en offrant un sifflet en forme d'oiseau à leur promise.
Au Luxembourg, au lundi de Paques, les jeunes gens faisaient de même.
En Italie encore, à Rutigliano (Bari) au jour de la fête de Saint Antoine l'abbé (17 janvier), l'homme donnait à sa fiancée un sifflet en forme de coq placé au centre d'un panier contenant des fruits secs et des taralli à l'anis. Ce don était un gage d'amour et augurait la célébration d'un mariage dans l'année. La promesse de fécondité du sifflet est ici renforcée par l'offre du panier de fruits.
Cette alliance entre fruits de la terre et sifflets se retrouve en Haute Saône où de petits sifflets de bois sont insérés à l'arrière de petits cochons en pain d'épice. La terre fécondée par le souffle...

Cet usage du sifflet dans les rites de séduction n'est pas spécifique aux sifflets en terre cuite. En France, à Stenay dans la Meuse, lors du dimanche de la mi-carême, à la fête des "flûteaux", la population se rendait à Saint Lambert, une ancienne léproserie où existait jadis un ermitage. Les jeunes gens achetaient aux marchands des sifflets en étain (ces sifflets étaient avant en saule) et les suspendaient au moyen de jolis rubans au cou des jeunes filles qu'ils préféraient.

 
  Sifflet globulaire deux tons.
La Borne (18)
Claude Gaget 1999
Sifflet globulaire deux tons.
La Borne (18)
Claude Gaget 1999
La tradition la plus riche en symbole se retrouve en Alsace dans le petit hameau de Saint Gangolphe dans le Florival.
Là se tenait et se tient toujours un marché des coucous (Kukusmark). Les jeunes gens y achetaient des sifflets à air tandis que les jeunes filles achetaient des sifflets à eau qu'elles remplissaient d'eau à la fontaine consacrée au saint. Ils se mettaient ensuite de part et d'autre du chemin et s'interpellaient à tour de rôle en imitant le chant d'amour des oiseaux.
On notera l'utilisation féminine du sifflet mais il s'agit ici de sifflets à eau dont la symbolique de la fécondité semble l'emporter sur le symbole du souffle fécondateur.

Autour de Montpellier, lors de fêtes villageoises (fêtes des vendanges?), se déroulaient des danses autour d'un feu où les garçons sifflaient dans des sifflets en terre cuite. Malheureusement, aucun témoignage plus précis ne permet de connaître les lieux et déroulement précis de ces fêtes.

Ces rituels amoureux sont encore plus explicites dans le Berry où les habitants anciens de la Borne se souviennent encore que les garçons achetaient des sifflets en forme de phallus pour les cacher dans les poches des blouses des jeunes filles.