Les sifflets de Nibelle au 16ème siècle


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Nibelle est un petit village situé en forêt d'Orléans (France, département du Loiret). Les potiers de Nibelle sont connus dans les textes depuis le 13ème siècle (1285). Les potiers et tuiliers ont laissé de nombreuses traces dans les lieux-dits du village: hameaux de Les Poteries, la vieille poterie, les Tuileries et même La Tuilerie cassée. La famille Thuilier est une des plus ancienne du village. La poterie a longtemps fait la renommée du village. Parmi une production courante mais non dénuée de qualité, les sifflets du village (les "sublets") reflètent la fantaisie des potiers et sont suffisamment originaux pour avoir été notés dans toutes les notices qui décrivent Nibelle à la fin du 19ème siècle. C'est sans doute à cette originalité que nous devons la conservation de quelques dizaines de sifflets de la production de la fin du 19ème S. qui s'est arrêtée avant 1914 avec la fermeture du dernier atelier. La découverte récente d'une tessonière permet maintenant de connaître également les modèles des sifflets produits au 16ème siècle et de suivre ainsi l'évolution de ces objets sur plus de trois siècles.
Sifflet en forme de poule. H:8,2cm; L:6.1cm Nibelle 1560-1570 Col. particulière	Les sifflets du 16ème S. : C'est en faisant des travaux sous une ancienne maison du village construite au 17ème siècle que plusieurs milliers de fragments de poteries ont été découverts. Il s'agit en majorité de sifflets mais on trouve aussi quelques petites statuettes de daguets de grandes qualité. Les sifflets sont réalisés avec une terre blanche ou légèrement rosée et sont soit non glaçurés soit recouverts plus ou moins largement d'une glaçure verte. Cette argile blanche est couramment employée dans la céramique médiévale et offre de grande qualité de plasticité qui permet de modeler ou mouler des pièces d'une grande finesse. Les sifflets insérés dans les sifflets à eau ont été modelés avec une argile grise plus dure après la cuisson. Les sifflets de cette tessonière ont été datés vers 1560-1570. Les sifflets appartiennent à quatre types principaux: les sifflets à eau: il s'agit en majorité de coqs ou poules mais il y a également des sifflets à tête de cheval; les sifflets globulaires: cette catégorie est formée de sifflets en forme d'oiseau de petite taille; les cavaliers: ces sifflets possèdent à l'arrière une petite cavité globulaire percée d'un petit trou permettant de moduler des trilles aiguës; les personnages: ces sifflets représentent un personnage féminin sur le coté duquel est inséré un sifflet tubulaire lui aussi prolongé par une petite cavité globulaire.
Sifflet à eau en forme de cheval. 16ème siècle Col. particulière	Les sifflets à eau: poules, coqs ou chevaux sont peu décorés comparés aux productions de même époque de Paris ou du Nord. Leur beauté vient de leur forme élégante qui leur donne une expression très vivante. Les yeux sont représentés par un cercle pointé d'argile rapportée ou simplement représentés par un trou. Le trou de remplissage est en haut du réservoir			Sifflet à eau en forme de coq. 16ème siècle Musée historique et archéologique de l'Orléanais
Sifflet à eau en forme de cheval. 16ème siècle H:8.6cm; L:8.9cm Col. particulière		Les cavaliers: La figure est bien détaillée avec deux points pour les yeux, un trait pour la bouche et le nez modelé. Bien que l'allure générale soit inchangée, chaque modèle a une expression ou une attitude différente. Certains cavaliers penchés vers l'avant donnent l'impression d'un cavalier en mouvement, d'autres semblent aller au pas. Les femmes montent le cheval à l'amazone comme toujours sur les sifflets de cette époque. Elles portent un petit chapeau rond et sont coiffées avec deux petits chignons sur les oreilles.	Sifflet en forme de cavalier montant à l'amazone. 16ème siècle H: 9cm; L: 9.8cm; l: 4cm Musée historique et archéologique de l'Orléanais Inv. 2000.5.2
Porte épice ou sifflet en forme de cavalier. H: 11cm Pays d'Auge 16ème siècle Inv. 95.1.20 Musée d'Art et d'Histoire de Lisieux ©Musée de Lisieux			Les cavaliers coiffés de bonnet ne sont pas inconnus au 16ème siècle. Un cavalier de céramique du pays d'Auge présente beaucoup de similitude avec les sifflets de Nibelle. D'autres cavaliers incomplets trouvés dans le sous sol de Caen sont aussi vêtus de manteaux longs.
Les cavaliers huns! ces cavaliers ont donné lieu à beaucoup d'hypothèses. Le costume "oriental" (coiffure et long manteau) serait la survivance des invasions des Huns dans la région en 451! L'interprétation proposée de ces cavaliers est plus simple et repose sur plusieurs constats. les sifflets du 19ème siècle dont la forme est quasi inchangée représentent les personnages du village vêtus des coiffures typiques des notables et des paysans; les sifflets en forme de femmes de Nibelle ou les femmes montant à l'amazone portent des coiffes bien européennes; les sifflets en forme de cavaliers des autres centres de production en France ou en Allemagne représentent des personnages de classe sociale assez élevé (bourgeois, pages, etc.) mais il s'agit toujours de personnages de la société locale. La coiffure: Il ne s'agit pas là de casques mais de turbans enroulés ou de bonnets dont dépasse la coiffure. Si ces turbans ne représentent plus pour notre vision moderne que des personnages orientaux, les coiffures formés de turbans enroulés sont communes pour les hommes au Moyen Âge et jusqu'à une époque assez proche. Le manteau: en observant ce manteau long, il s'avère être plus simplement la selle du cheval. La seule interrogation concerne la datation de ces sifflets. Au 16ème siècle, la mode n'était plus pour les hommes aux cheveux longs mais aux cheveux courts ou mi-longs et à la barbe. Ces coiffures longues et les visages imberbes sont en revanche typiques de la fin du siècle précédent. C'est à partir de 1470 que les chevelures descendirent sur les épaules ou en dessous. Les coiffures des femmes sont plus difficiles à dater mais on retrouve des représentations de femmes italiennes en 1472 portant sur les oreilles deux chignons tressés de rubans (Fashion in hair. R. Corson. 1965). Le modèle des sifflets est-il resté inchangé pendant un siècle ou faut-il revoir leur datation?
Décembre Calendrier des très riches heures du duc de Berry vers 1415 (détail) Chantilly Musée Condé MS 1284	Détail de la coiffure des sifflets de Nibelle		Van Eyck Portrait de Giovanni Arnolfini Vers 1434 Berlin Staatliche Museum
Sifflet globulaire. Un trou de jeu h: 3cm, L:3cm Nibelle,16ème siècle Col. particulière	Les oiseaux globulaires: Ces oiseaux de petite taille rappellent les oiseaux de petite taille de l'époque gallo-romaine. Cependant l'allure général de l'oiseau et les grands yeux ronds permettent de les interpréter comme étant probablement des poussins. La similitude des sifflets de Nibelle et de celui de Senlis est marquante.			Sifflet globulaire. Un trou de jeu h: 3cm, L:3cm 16ème siècle Col. Musée de Senlis Inv. 00-5-2 ©MANDIN
Sifflet tubulaire. Nibelle,16ème siècle H: 12cm; L: 6.5cm, l: 4.7cm Musée historique et archéologique de l'Orléanais Inv. 2000.5.1	Les figurines: Le dernier type de sifflet est le plus surprenant. Il s'agit de figurines en forme de femme. Les femmes sont extrêmement rares en France parmi les modèles de sifflet hormis les cavalières montant à l'amazone qui restent également une forme rare. Le modèle de Nibelle est plus proche des figurines des pays méditerranéens ou de la Provence. Les femmes portent les cheveux serrés dans une coiffe finement représentée. La bas du corps est tournée(?) en forme de cône en haut duquel est placé sur la droite le sifflet produit sur le même modèle que celui des cavaliers. Le trait vertical à l'avant de la jupe se retrouve sur tous les modèles et est donc volontaire. A quel type de vêtement correspond-il?			Fragment de sifflet 16ème siècle Col. particulière
La production de sifflet de Nibelle au 16ème siècle est variée et de qualité. On peut supposer que cette production a commencé dans ce village bien avant cette époque. La majorité des modèles se rencontrent dans toute la France du Nord. Faut-il voir dans les petits oiseaux globulaires ou dans les statuettes féminines le maintien de formes plus anciennes? Aucune découverte archéologique de ces sifflets n'a encore été faite dans la région pour nous renseigner sur la diffusion de ces sifflets ni sur la production antérieure. On peut cependant imaginer que ces sifflets étaient vendus à Orléans, ville importante en France à l'époque. On peut aussi penser que les sifflets étaient vendus au pèlerinage annuel de Sainte Radegonde où les potiers de Nibelle se rendaient pour y vendre leurs produits. La continuité des familles de potiers à Nibelle jusqu'au début du 20ème siècle a permis le maintien de beaucoup de ces modèles dans la production du 19ème siècle.