Circonstance de découverte:

Le sifflet de cette nouvelle année a été trouvé en France déballé à la sauvette par un vendeur au bord d'un trottoir.

Description générale:

Ce sifflet est en forme de cavalière coiffée d'un grand chapeau. La figurine repose sur un trépied et le sifflet est en forme conique à l'arrière du cheval.

Le sifflet est en état moyen avec plusieurs éclats. Les oreilles du cheval sont cassées et la couleur rouge du manteau de la femme est usée.

Il mesure 9.2 cm de long, 12,3 cm de haut et 5,8cm de large.

Le décor:

Le sifflet est en terre rouge foncée recouverte d'une base blanche. Le corps du cheval est décoré de bandes de cercles: cercles jaunes pointés de noir ou cercles rouges sur des traits jaunes.

La femme porte un manteau rouge et un chapeau vert foncé. Des traces de taches dorées subsistent à l'avant du chapeau.

La typologie: Il s'agit d'un sifflet globulaire. Un trou sur chaque coté du cheval permet de jouer une tierce et une quinte (Ré Fa# La).

Analyse:

L'attribution de ce sifflet ne pose aucun problème car il est caractéristique de la production de Dymkovo. De très nombreux livres ont été consacrés à la production de jouets de terre cuite de ce village qui sont devenus l'emblème de la production russe de jouets de terre cuite dans le monde entier depuis le début du 20ème siècle. De nombreux autres centres existent en Russie mais les jouets colorés de Dymkovo sont les plus variés et symbolisent réellement l'art populaire russe.

Dymkovo, région de Viatka, se situe au nord de la Russie près de la ville de Kirov (Khlinov jusqu'en 1781, puis Viatka jusqu'en 1934).
Ce lieu est connu pour ses jouets de terre cuite dans le monde entier. Le village a été créé par le tsar Ivan III (Ivan le Grand) au 15ème siècle et peuplé avec des artisans venant des autres villes russes.
Le village est aujourd'hui absorbé par la ville mais son apparence a peu changé même si les potiers n'y habitent plus.

Les sifflets de Dymkovo sont liés à la fête des sifflets Svistounia (la siffleuse) (voir à ce sujet les traditions populaires).

La production:

Près de 60 familles de fabricants de jouets vivaient à Dymkovo en 1856 et vendaient de 20 à 25000 jouets par an. Dès les années 1850, la production a décliné et en 1871, seules 16 familles vivaient encore uniquement de cette production alors que pour les autres il ne s'agissait que d'une production occasionnelle.

Lors de la 1ère guerre mondiale, seule Anna Mezrina modelait encore les figurines en terre cuite. Les statuettes en plâtre moulé avaient envahi le marché et s'avéraient plus rentables.

C'est après la Révolution de 1917 que l'État va soutenir la production en ouvrant un atelier dans les années 1930 dans l'usine de statuettes moulées. Les ateliers ont ensuite été intégrés au Fond artistique de l'URSS et les meilleurs artistes ont rejoint l'Union des artistes soviétiques.

La production chute dans les années 1950. La préparation de l'argile est centralisée et un pigment synthétique succède au blanc artisanal pendant que les couleurs sont remplacées par la gouache. Les jouets ont un aspect brillant très éloigné des modèles anciens.

Aujourd'hui la nouvelle génération est revenue aux modèles traditionnels. Les sifflets y sont moins nombreux et les figurines ou les groupes de figurines sont largement majoritaires. Environ 40 femmes travaillent à la coopérative de création d'"Artisanat populaire de jouets de Dymkovo" (Dymkovo toy folk art handicraft).
24 sont membres de la Société artistique de Russie. Deux maîtres ont le titre d'artistes honorables de Russie (Honorable Artists of Russia)

L'argile rouge était mélangée comme fondant au sable de la rivière pour éviter l'éclatement à la cuisson. Puis l'argile était nettoyée et pétrie jusqu'à obtenir une pâte plastique et formée en " galettes " d'où sortaient les figurines.

On fabriquait d'abord la jupe et le tronc sur lequel on fixait ensuite la tête sphérique et les bras avant de lisser la figurine avec les doigts mouillés.

La figurine était laissée plusieurs jours à sécher avant d'être cuite dans les fours traditionnels en grandes fournées (jusqu'à 3000 à 4000 pièces) pendant 3 à 4 heures.

Après la cuisson, les jouets étaient plongés dans un mélange de lait tourné et de craie formant une couche d'un blanc éclatant qui couvrait l'argile rouge. Les jouets étaient ensuite peints de décors géométriques et de cercles avec des pigments mélangés dans du jaune d'oeuf et du kvas (alcool de seigle). La gamme de base est le rouge, le jaune, le bleu, le noir et parfois l'or. Une femme avec deux enfants pouvait réaliser ainsi de 100 à 200 figurines et de 100 à 200 sifflets par jour.

Le sifflet du mois fait sans aucun doute partie des modèles antérieurs à 1950 produits selon ces méthodes traditionnelles. Il reste à connaître son auteur.

Il n'est pas évident pour un non-spécialiste de reconnaître le style des artistes ayant fabriqué les sifflets avant 1945.

Il semble que les décors des sifflets de la fin du 19ème et début du 20ème siècle soient plus simples avec moins de motifs géométriques.

Un cheval à deux têtes du musée de Saint Petersbourg acquis en 1935 porte le même motif que le cheval du sifflet et la coiffe de la femme comme sa tenue rappellent d'autres figurines réalisées entre 1925 et 1935. On peut dater ainsi le sifflet entre 1900 et les années 1930.

A cette époque, seules quelques artistes produisaient de tels sifflets.

Anna Mezrina (1853-1938):

Elle est la plus talentueuse et la plus connue des artistes du 20ème siècle. Fille d'un maréchal-ferrant local, elle apprend à faire les jouets avec sa mère.
La fabrication complète le revenu de son mari cordonnier avant de devenir l'unique revenu du foyer au décès de celui-ci.
Très vite, ses filles Olga et Alexandra l'aide à cette production. Il faut parfois travailler 18 à 20 heures par jour pour survivre.
C'est après la révolution qu'arrive la reconnaissance et les plus grands musées achètent ses jouets. Elle se voit doter d'une confortable pension à la fin de sa vie.

Alexandra Mezrina ( -1934):

La fille d'Anna travaille avec elle jusqu'en 1934 et son style est difficilement différentiable de sa mère.

On peut aussi citer:

Elena KOSHKINA (1871-1953):

Les musées possèdent de nombreux exemplaires de sa production des années 1930-1940.

Zoya Penkina (1897-):

Maria Laletina ():

On ne connait pas de modèles antérieurs au 19ème siècle mais les sifflets russes antérieurs de la région de Moscou présentent cette même forme de tétraèdre.

La production type de Dymkovo se retrouve dans les autres centres potiers russes.

• Les canards le plus souvent aux ailes déployées mais aussi les coqs, dindons ou paons,
• Les béliers mais aussi les vaches, moutons, cochons et même lions
• Les chevaux à deux ou trois têtes et parfois les ours
• Les personnages : cavaliers, cavaliers à cheval ou assis, femmes à cheval ou assises.