Vers 450 av J.C., des peuplades venues du bassin danubien réalisent des poteries montées au colombin dites au décor "rubanné". Romaine, mérovingienne ou carolingienne, la poterie alsacienne évolue avec les techniques. La glaçure plombifère apparaît à la fin du XIII ème siècle et reste en usage jusqu'à l'interdiction du plomb dans les glaçures à la fin du XXème siècle. A la fin du Moyen-Âge, la poterie alsacienne s'intègre dans la tradition rhénane. Dans les villes et dans les villages, plusieurs dizaines de centres potiers se développent. Le décor au barolet apparaît au XVIème siècle. De nombreuses foires spécialisées attestent de la vitalité de la production potière de l'époque.

Au XIXème siècle commence le regroupement des ateliers qui aujourd'hui se concentrent à Soufflenheim (terre vernissée) et à Betchdorf (grès). Les ateliers familiaux de ces deux villages perpétuent la production des formes traditionnelles toujours utilisées pour la cuisine régionale mais ils ont trouvé aussi dans le tourisme un débouché important.

Dans cette longue tradition, la production des jouets en terre vernissée a toujours eu une place importante. Des figurines de cavaliers et d'animaux du XIII ème siècle ont été trouvées à Strabourg. Jusqu'à la fin du XIXème siècle, beaucoup de centres potiers fabriquaient ces jouets vendus par le "gshirmann", marchand ambulant de poteries, ou pendant les foires.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, l'Alsace est encore la région de France où la production traditionnelle de sifflets en terre cuite est la plus importante.

Il reste pourtant beaucoup de modèles à découvrir et les attributions des poteries alsaciennes sont difficiles. Si des lecteurs du site peuvent corriger ou compléter ces informations, toutes les informations seront bienvenues...

Malgré l'importance de la production actuelle, il y a peu de témoignages matériels intacts de la production ancienne des sifflets en Alsace.

Les fouilles archéologiques ont livré plusieurs morceaux de sifflets du XVIème siècle. Il s'agit d'une base de sifflet à eau, d'un sifflet à la forme inédite et de sifflets destinés à être insérés dans des sifflets à eau.
Malheureusement, les parties conservées ne permettent pas de connaître la forme de ces sifflets dont la variété permet de supposer qu'ils proviennent de plusieurs ateliers.

Si les fragments de sifflets des sifflets à eau ont une taille qui correspond à celle des modèles actuels alsaciens, la petite taille de la base du sifflet à eau correspond à celle des sifflets à eau en forme de chouette fabriqués à la même époque dans les anciens Pays-Bas.
Il convient d'être prudent sur l'origine locale de cette pièce qui pourrait avoir été importée comme il est courant avec les sifflets d'autres régions.
Si la découverte d'un exemplaire plus complet confirmait cette thèse, l'apparition du type du sifflet à eau alsacien en forme de hibou trouverait ainsi son origine dans ces importations du XVIème siècle.

Plus probablement, les fragments de sifflets à eau pourraient être des sifflets en forme d'oiseau car cette forme est ancienne dans toutes les régions d'Europe occidentale.

De nombreux fragments de figurines de chevaux ou de cavaliers du XVIème siècle laissent présager la réalisation de sifflets en forme de cavaliers comme ils se rencontrent dans de nombreux pays d'Europe à la même époque. Seules les têtes ou les parties antérieures sont conservées aussi la présence au XVIème siècle de sifflets en forme de cavalier ou de cheval demeure une hypothèse très vraisemblable car cette forme se rencontre encore à Haguenau au XIXème siècle.

Enfin, on ne connait pas d'autre exemplaire pour la forme du dernier sifflet (dessin ci-dessous A) trouvé à Strasbourg ce qui confirme que la typologie des sifflets du XVIème siècle a été très riche et reste à compléter.

Ces sifflets ont été trouvés dans des contextes castraux ou d'habitations très aisées. Il faut être prudent pour en tirer une conclusion car une population variée habitait ces lieux. Cependant les traces de glaçure de certains sifflets témoignent d'une fabrication soignée sans doute assez luxueuse.

Tous sont attribués au XVIeme siècle mais les sifflets en terre cuite sont plus anciens en Alsace où un texte du XVème siècle témoigne qu'ils étaient déjà des jouets courants.

L'utilisation du sifflet comme jouet est attesté depuis le XVème siècle. Elle est leur principal usage comme le prouvent les textes anciens et de nombreux témoignages du début du XXème siècle qui décrivent comment les enfants attendaient avec impatience ces jouets ramenés des foires ou achetés aux comporteurs. Cette utilisation n'était pas incompatible avec d'autres emplois.

La tradition la mieux documentée en Alsace est celle du pélérinage de Saint Gangolph. Ce pélérinage remonte sans doute au Moyen-Âge. Jusqu'en 1937 environ, le 13 mai, garçons et filles se rencontraient à la fontaine de Saint Gangolph près de Guebwiller au pied du Grand Ballon.
Ils échangeaient des gages d'amour au moyen d'un langage fait du son de deux sifflets différents. Le garçon imitait le chant du coucou avec le sifflet du même nom et la fille lui répondait quand le garçon lui plaisait par les roucoulades des sifflets à eau en forme de hibou remplis à la fontaine du saint. Ces échanges sonores concluaient l'accord.
Ces sifflets étaient achetés sur place à un colporteur. En 1978, une enquête ethnologique notait que les habitants ne savaient plus à quoi correspondaient les sifflets en forme de hiboux car les sifflets à eau de Soufflenheim qui y étaient vendus avaient perdu les oreilles et le bec crochu de la chouette.

D'autres sifflets en forme de Saint Gangolph étaient fabriqués dans les ateliers de Colmar et du Sungau pour cette occasion.

Il est possible que des sifflets aient été utilisés pour d'autres pélérinages en Alsace comme pourrait en témoigner un sifflet en forme de religieux de facture proche des "Saint Gangolph" dont il reste à identifier la représentation.

Aujourd'hui, la fête de Saint Gangolph existe toujours en mai et les visiteurs peuvent y acheter des sifflets. La fête conserve son caractère villageois avec ses festivités.