: juillet 2003

 
  Circonstance de découverte:

Ce sifflet provient d'une collection ancienne d'un amateur de céramique parisienne. Il n'y a pas de localisation du lieu de découverte.

Description générale:

Il s'agit d'un sifflet zoomorphe. Il se compose d'un corps globulaire à l'arrière duquel est inséré le sifflet. Le corps est percé d'un trou circulaire (D=0,5cm) à l'arrière du coté droit. Il est entièrement recouvert d'une glaçure plombifère verte foncée avec des zones plus claires quand cette glaçure est moins épaisse. La glaçure présente deux manques d'origine (coté droit du socle et coté gauche du corps).
L'état général est bon. La glaçure présente quelques petits éclats aux arrêtes. Le sifflet est bouché à l'extrémité; l'ouverture s'étant recollée certainement à la cuisson.
La terre est claire et la glaçure laisse deviner par endroit un engobe d'argile rouge.

Juillet 2003: le sifflet du mois
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L max: 7,8 cm
H max: 8 cm
D max: 4,9 cm
 
  Juin 2003: le sifflet du mois
Détail du décor
Le décor:

Deux pastilles d'argiles aplaties ont été collées sur le sifflet: l'une au niveau du cou et l'autre à l'avant du corps. Elles sont toutes les deux incisées de traits horizontaux au moyen d'une pointe douce. La bouche est également marquée par un trait incisé. Les yeux sont simplement représentés par des points réalisés à la pointe douce.
La tête a la forme générale d'un losange et aux extrémités, les oreilles sont représentées par les pointes recourbées vers le bas.

 
  Etude de l'objet:

La typologie: Bien que bouché, il s'agit ici sans doute possible d'un sifflet à eau. L'embouchure s'ouvre à l'extérieur du corps globulaire au milieu du sifflet et l'emplacement du trou circulaire correspond aux trous de remplissage des modèles de ce type.

 
  La glaçure: Le sifflet est présenté comme une céramique parisienne du 16ème siècle mais quand on connaît l'imprécision des datations de la céramique, il faut être prudent avec cette affirmation.
La glaçure verte correspond en effet à la glaçure des pièces du 16ème siècle. Les glaçures vertes se rencontrent bien avant mais sous forme tachetée pour les modèles antérieurs. Le type de glaçure du sifflet s'inscrit dans une fourchette large du 15 au 17ème siècle.

 
  Analyse:

Le type de décor réalisé par des pastilles aplaties et striées se retrouve sur une série bien connue en région parisienne: les "porte-couverts" décorés.
Ces pots anthropomorphes à la fonction mal définie peuvent être datés dans une fourchette couvrant les deux premiers tiers du 16ème siècle (Lahaussois, Pannequin, "L'art de la terre vernissée du MA à l'an 2000",1999).
Ils sont fait d'argile claire recouverte de barbotine rouge et d'une glaçure jaune et verte.

 
 

Une visite du musée national de la céramique de Sèvres confirme cette parenté. Parmi les sifflets se rapportant à la série des "porte-couverts", un sifflet en forme d'oiseau offre une grande similitude de forme avec le sifflet étudié.
Les autres sifflets conservés sont décorés de façon beaucoup plus soignés (glaçure jaune et verte contrastant avec certains détails laissés en rouge, modelage très soigné). Il peut s'agir d'une production à caractère plus exceptionnelle ou d'une production antérieure. La glaçure de notre sifflet étant courante sur certains pichets parisiens de la fin du 16ème siècle, peut être est-il postérieur à ces sifflets?

On peut également rapprocher ce décor d'un sifflet en forme de coq trouvé à Fosses lors de fouilles des ateliers de potiers et daté du 16ème siècle. Ce sifflet possède de nombreuses similitudes avec les sifflets du musée de Sèvres. Seule une étude comparative poussée de l'ensemble de ces pièces et en particulier l'analyse de l'argile permettrait maintenant de pousser plus loin cette étude.

La présence de sifflets anthropomorphes très semblables aux "porte-couverts" conduit à s'interroger sur la fonction de ces derniers objets. Les sifflets à eau reproduisent soit des animaux soit la forme des cruches. Si on considère que ces sifflets anthropomorphes étaient utilisés lors de charivaris, il est possible que ces portes couverts aient été des pichets réalisés pour de semblables occasions ce qui expliquerait leur caractère fantaisiste.


Musée national de la céramique Sèvres

 
 

Il reste à déterminer l'animal représenté. La forme générale de la tête fait penser à un mouton. Les moutons représentés ne présentent pas souvent des oreilles pendantes cependant de telles races existent.
Il faudrait connaître les races de mouton de la région parisienne au 16ème siècle pour confirmer cette interprétation.

 
 
La Glandée. Très riches heures du Duc de Berry, détail
15ème S.

Cuisine grasse. Détail. Gravure d'après Bruegel
P. Van der Heyden, 16ème siècle

Le mouton étant inconnu parmi les formes de sifflet en France, on peut également penser à un chien. On connaît de nombreux sifflets en forme de chien à partir du 17ème siècle dans tout le Nord de la France. De plus, plusieurs représentations de chien contemporaines au sifflet montrent une race assez semblable à l'animal du sifflet.
Mouton ou chien, on peut s'interroger sur la signification des bandes striées horizontalement. Sur toutes les autres pièces, ces bandes permettent d'évoquer un détail précis: ailes, barbes, décor floral...

On peut conclure temporairement qu'il s'agit d'un sifflet à eau d'un atelier de la région parisienne en forme de chien(?) du 16ème siècle (fin 16ème?) et sans doute destiné à être un jouet. Jamais utilisé car bouché, il s'agit sans doute d'un raté de cuisson dont le lieu de découverte aurait malheureusement été riche d'enseignements.
Plusieurs questions donnent encore lieu à bien des hypothèses aussi n'hésitez pas à faire connaître vos idées...