Ce sifflet a été trouvé en Savoie. Le propriétaire ne connaissait pas l'origine exacte mais le datait du milieu du XXème siècle.

Description générale:

Ce sifflet est en forme d'oiseau sur large socle. La tête est simplement stylisée. La technique du potier pour former le sifflet est très visible. Après le tournage d'un petit vase, le haut est ensuite refermé puis la tête est modélée et le sifflet ouvert.

Le sifflet est en terre de couleur beige rosée.

Le décor:

Le sifflet est vernissé avec une belle glaçure au plomb marbré vert, brun et jaune sans engobe préliminaire. Le jaune correspond à la couleur de la terre naturelle avec la glaçure. Cette glaçure se retrouve partiellement sous la base. Le sifflet n'est pas vernissé.

La typologie: Il s'agit d'un sifflet globulaire sur socle de type a4 de Nixdorff. Le sifflet a un trou de jeu sur le dos de l'oiseau coté droit donnant une tierce mineure.

Analyse:

Plusieurs sifflets en forme d'oiseaux sur large socle de décors très variés proviennent probablement du même atelier. La façon de réaliser l'embouchure est semblable, le dessous du socle présente à chaque fois des traces de glaçure et la forme est similaire.

Le nombre élevé de sifflets du même modèle est révélateur d'une production assez récente. Les sifflets en terre vernissés antérieurs à 1914 sont en général connus en quelques exemplaires uniquement. Seuls les sifflets de la Sarthe en France se trouvent encore en nombre élevé mais ils ont été produits par milliers dans plusieurs ateliers jusqu'au milieu du XXe siècle. Il s'agit donc de trrouver un centre de production encore actif au milieu du XXe siècle.
Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées.

Aubagne
Ce centre a produit et produit encore des miliers de sifflets en forme de cruches. Un de ces sifflet en forme de cruche à anse supérieure a la même glaçure que le sifflet du mois. Sa forme fait immédiatement penser à la production d'Aubagne. Le sifflet du mois viendrait-il de cette ville?

Dans son étude "Jouets d'argile: les taraillettes provençales", Mme Chantal Lombard rapporte les propos d'un ancien marseillais pour qui à Marseille, "personne ne connait l'origine de ce sifflet (le rossignol) ni n'en a vu en forme d'oiseau".
Il semble donc peu probable que le sifflet du mois vienne de cette ville.

Cependant, un sifflet en forme d'oiseau présente beaucoup de points communs avec le sifflet du mois: large socle, sifflet semblable et glaçure sous le socle. Son propriétaire a acheté ce sifflet à la famille des anciens propriétaires de la poterie de Tassenières.

Faut-il en déduire que ce sifflet vient de là? Quand on connait la circulation des sifflets entre régions, il est aussi possible que ce sifflet vienne d'un autre centre potier.
Bien que sa forme soit différente et sa taille plus petite, la similitude avec les autres sifflets rend probable son attribution au même potier ou comme il est fréquent, au même atelier dont la technique a été transmise par apprentissage.

Cette exposition est la dernière grande exposition de sifflets en France. Les sifflets exposés viennent des musées nationaux et de collections particulières. Malheureusement, ce catalogue ancien n'est pas illustré mais dans le cas des sifflets venant des musées que les références permettent d'identifier, les attributions sont très fiables et réctifient bien des attributions parfois fantaisistes rencontrées dans les inventaires des musées.

Deux sifflets sont attribués à Saint Laurent du Pape:
Le premier est un "Oiseau sur large socle. 1 trou. Robert Gery vers 1962. Terre rose vernissée, jaspée vert, jaune, manganèse. H 66. Coll. Connier".

Le deuxième est une "Cruche à anse supérieure sur pied. Robert Géry vers 1962. Terre blanche vernissée vert et jaune jaspé. H. 93 Coll Connier".

Ces deux sifflets correspondent parfaitement au sifflet du mois et à la cruche photographiée ci-dessus.

D'après le Lesur et Tardy, la poterie Faugier, fondée en 1815 à Saint Laurent du Pape, fut reprise en 1920 par Robert Géry. Sa terre vient de la colline voisine. Elle est cuite à 900° pendant 24 heures et est vernie à l'alquifoux. Le décor est fait par sa fille. Le Tardy ne cite pas de sifflets parmi la production mais décrit en dehors de la production horticole et à usage domestique une poterie artistique mi-domestique mi-touristique jaspée de petits pots, petits vases, ecuelles, etc.

La glaçure de ces objets qui portent souvent le tampon GERY correspond effectivement à la glaçure du sifflet du mois. Il est possible que les modèles glaçurés en bleu, rouge et noir datent des années 1930. Les potiers traditionnels ont souvent tentés à l'époque de renouveler leur production par l'emploi de glaçures vives. La poterie est toujours en exploitation lors de la rédaction du Lesur et Tardy en 1972.

Tous les éléments sont donc cohérents et il est possible d'attribuer le sifflet du mois à Robert Géry. Le sifflet différent pouvant venir de la poterie Faugier avant 1920. Peut-être un habitant de la région porra-t-il confirmer cette attribution?